La réévaluation libre ne génère des conséquences fiscales que lorsque la société tient une comptabilité commerciale en application de l’article L.123-18 du Code de commerce.
Ce n'est pas le cas lorsqu'une société civile non soumise à l'IS, dont les associés personnes phyisiques ne sont pas soumis à l'IS, réévalue ses actifs puisqu'une SCI soumise à l'IR n'est pas obligée de tenir une telle comptabilité commerciale.
Aussi, la réévaluation réalisée par une SCI soumise à l’IR, dont les associés sont des personnes physiques, ne génère pas de base supplémentaire à amortir : la base d'amortissement demeure la valeur d'origine d'inscription au bilan.
La Conseil d’Etat du 19 septembre 2018 confirme la position de Cour administrative d’appel de Nantes du 16 février 2017.
Lorsqu’une société civile non assujettie à l’IS et dont les associés sont des personnes physiques procède à une réévaluation libre de ses actifs : cette opération n’a aucune incidence fiscale. Par la suite, si une personne morale assujettie à l’IS en devient associée, ou si la société civile opte pour l’IS, il ne sera pas possible de déduire fiscalement l’amortissement supplémentaire qui résulte de la réévaluation "non imposée".
Une SCI à l’IR peut avoir intérêt à procéder à une réévaluation, afin d’augmenter la base des amortissements déductibles, mais elle peut le faire uniquement dans les cas où elle est obligée de tenir une comptabilité commerciale, c’est-à-dire :
La réévaluation ne peut être réalisée par anticipation à un changement de régime fiscal. Dans ce cas, le Conseil d’Etat a pu en déduire qu’il importe peu que, postérieurement à la réévaluation, la SCI ait été obligée de tenir une comptabilité commerciale du fait de la présence d’un nouvel associé soumis à l’IS.
Selon la cour administrative d’appel de Nantes, une SCI non soumise à une comptabilité commerciale aurait pu amortir sur la base de la valeur réévaluée si la plus-value constatée lors de la réévaluation avait été taxée.
Cependant, le motif retenu par le Conseil d’Etat semble contredire cet argument :dès lors que la SCI n’est pas obligée de tenir une comptabilité commerciale au sens de l'article L.123-18 du Code de commerce, elle ne peut pas amortir sur la base de la valeur réévaluée des immeubles, peu important à cet égard que l’écart de réévaluation ait été taxé ou non.
Doivent obligatoirement tenir une comptabilité commerciale au sens de l’article L. 123-18 du Code de commerce :
Les sociétés civiles n’exerçant pas d’activité commerciale ne sont pas contraintes de tenir une comptabilité commerciale, mais seulement une comptabilité de trésorerie. Cependant, la tenue d’une comptabilité commerciale est fortement conseillée afin de répondre à un éventuel contrôle fiscal, de matérialiser des comptes courants d’associés, de sécuriser la nature de certains flux.
Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de rappeler que cette différence de traitement comptable entraîne un traitement fiscal différent entre sociétés civiles soumises ou non à une comptabilité commerciale.
Les consorts A sont associés d'une SCI. Cette SCI est soumise à l’IR et détient un immeuble qu’elle met en location nue.
A la clôture de l’exercice 2010, la SCI procède à une réévaluation libre de l’immeuble.
En 2011, les consorts A cèdent l’intégralité des titres de la SCI qu'ils détiennent à une société X soumise à l’IS. En application de l’article 238 bis K du CGI, la SCI à l’IR détermine le bénéfice correspondant aux droits de son associé à l’IS selon les règles de l’IS, c'est-à-dire en déduisant des amortissements (calculés sur la valeur réévaluée de l’immeuble).
L’administration fiscale redresse la société X et réintègre une partie des amortissements déduits (et correspondant à l’amortissement passé sur l’écart de réévaluation).
La société X forme une réclamation, rejetée par le tribunal administratif et la Cour d’appel de Nantes.
Le Conseil d’Etat confirme le redressement de la société X :
Fiscalité en cas d'option à l'IS
Lorsqu’une société à l’IR opte pour l’IS en cours de vie sociale, le coût fiscal peut être important.
La société peut choisir entre :
Réévaluation et risque de double taxation
L’option pour la réévaluation peut entraîner une double taxation :
BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-20 § 350
Cette double taxation est toutefois compensée par la possibilité d’augmenter la base d’amortissement des immobilisations.
Avant la cession des titres, l’associé sortant a tout intérêt à ce que la société distribue l’écart de réévaluation (afin d’appréhender matériellement la plus-value sur laquelle il a été taxé).
Si l’écart de réévaluation n’est en principe pas distribuable (l’écart doit être inscrit dans le compte écart de réévaluation - C. com. art. L.232-11) il devient distribuable, et taxé en dividendes, lorsque la plus-value est matériellement constatée, c’est-à-dire :
Application du Code de commerce aux SCI
Paradoxalement, le Conseil d’Etat du 12 juillet 2013 avait appliqué le Code de commerce à la SCI à l’IR pour taxer l’écart de réévaluation (taxation de la réévaluation lorsque la société procède à la distribution de l'écart en contravention de l’article L.232-11 du code de commerce, c’est-à-dire, en l’absence de constatation effective de la plus-value), alors qu’il dénie l’application de ce même code aux SCI à l’IR dans l’arrêt du 19 septembre 2018 (impossibilité pour une SCI non soumise à une comptabilité commerciale d'amortir sur une base réévaluée quand bien même l’écart aurait été taxé).